Le camping, un secteur passionnant

En constante veille sur les sujets liés au tourisme, nous collectons des données qui
viennent appuyer et renforcer nos propos au quotidien.
Aujourd’hui, nous choisissons de vous partager l’un de nos domaines d’expertise, le
secteur de l’hôtellerie de plein air, dans lequel nous évoluons depuis de nombreuses
années.

Avant d’entrer dans l’analyse du marché, voici quelques données sur l’HPA française qui
permettront de poser les bases :

En 2021, selon la FFCC, on compte 7 592 campings qui permettent d’offrir 872 647
emplacements.
Cette offre génère 129 millions de nuitées réalisées par 22 millions de clients.
En 2021, le secteur employait 50 000 salariés dont 40 000 saisonniers avec un CA de 2,8
milliards et une capacité d’accueil de 2,6 millions de personnes.

L’observatoire national de l’HPA a fait un point sur le marché du camping en 2022, une
très belle saison notamment grâce au pic durant le 3 ème trimestre où l’hôtellerie de plein
air a relevé plus de 100 millions de nuitées.

On remarque que suivant la ventilation des nuitées, des tendances apparaissent, c’est ici
le cas selon le classement du camping :

  • Campings non classés : 4,2 millions
  • Campings 1 et 2 étoiles 10,5 millions
  • Campings 3 étoiles : 28,1 millions
  • Campings 4 et 5 étoiles : 59,4 millions

Ces résultats permettent d’identifier très clairement un attrait pour les hébergements de
qualité, une tendance déjà ancienne qui se conforte chaque année.

Par ailleurs, on constate aussi grâce à la ventilation des nuitées que les emplacements
équipés sont davantage privilégiés :

  • 46,3 millions de nuitées en emplacements nus
  • 55,9 millions de nuitées en emplacements équipés

Enfin, le nombre de nuitées selon le lieu de séjour est également très parlant, le littoral
est bel et bien la destination de prédilection des vacanciers :

  • 58,7 millions de nuitées dans les campings du littoral
  • 43,5 millions de nuitées dans les campings hors littoral

Une connaissance fine du secteur


Ces diverses données nous permettent de confirmer des faits et des tendances
observées ces dernières années.
Le secteur de l’HPA connaît une belle performance, notamment sur le littoral. Il est
souvent très apprécié du marché français. Les vacanciers privilégient des emplacements
équipés dans des campings bien classés. Mais la demande pour des emplacements nus
persiste, notamment sur les marchés étrangers et auprès des jeunes consommateurs. A
tel point que dans certaines zones côtières, il paraît urgent de conserver et mieux
révéler l’offre en emplacements nus pour éviter l’érosion du segment des adeptes du
camping sous tente, en caravane, en van ou camping-car.

Pour venir compléter ces propos, le cabinet Emotio Tourisme intervient également au
sein du mensuel professionnel Décisions, magazine dédié aux professionnels de
l’hôtellerie de plein air. De ce fait, nous sommes également en charge de la collecte des
données pour le magazine Hors-Série spécial Chaines & Groupes.
Ainsi, nous élaborons des données annuelles sur les Chaines et Groupes en France. Voici
quelques données chiffrées.
Ces Chaines et Groupes représentent :

  • 26% de l’offre de campings en France
  • 38 % des emplacements
  • 53 % du volume d’affaire de l’HPA française

Il ne reste plus qu’à souhaiter que cette nouvelle saison 2023 bénéficie au moins du
même succès que la précédente.

Des missions HPA en cours

Nous accompagnons par nos études et conseils des clients du secteur de l’HPA. Des
campings privés, municipaux, des collectivités désireuses de conduire des stratégies
d’hébergements plein air, des études d’implantation d’aires de camping-cars. Nous
étions ainsi présents au SETT à Montpellier en novembre dernier.

Ces derniers mois, nous avons eu plaisir à conduire des missions relatives à l’HPA tpour
plusieurs clients tels que :

  • Camping de Baugé-en-Anjou pour une étude d’intégration paysagère et du bâti,
  • Camping de Maussane-les-Alpilles pour une aide au positionnement stratégique,
  • Commune de Lège-Cap-Ferret pour un schéma d’accueil et d’aménagement d’une
    aire de camping-cars sur la commune de Lège-Cap-Ferret,
  • Convergence Garonne pour le schéma de développement des hébergements de
    plein air,
  • Et bien d’autres…

Nous espérons que ces quelques lignes auront permis de vous renseigner sur ce secteur
de l’HPA, en pointe pour le tourisme français tant l’offre est variée et de grande qualité.
Nous espérons qu’elles susciteront en vous l’envie d’en connaître davantage.

A très bientôt pour un nouvel article !

Positionnement des destinations – L’importance du marketing

Article rédigé par François Perroy, Directeur du cabinet Emotio Tourisme pour la Revue Espaces – Décembre 2022 – En partenariat avec etourisme.info

Les destinations touristiques semblent donner, depuis quelques années, une moindre importance à la construction de leur stratégie marketing pour affirmer leur positionnement. La communication, la stratégie digitale, « l’expérience utilisateur » sont considérés comme des chantiers plus prioritaires. Mais ces opérations sont de plus en plus effectuées sans un préalable travail de fond marketing, grâce auquel elles ressortiraient pourtant grandies, mieux ciblées et donc plus efficaces pour permettre à la destination de se différencier des autres.

Le sujet du marketing applicatif est régulièrement abordé depuis la naissance du blog etourisme.info. Les articles faisant référence à des solutions digitales animant la relation avec des prospects, tant autour des sites web de destination, que des plateformes commerciales ou des réseaux sociaux, sont nombreux. Les outils et techniques d’entretien et de développement de la gestion de la relation client sont aussi abordés. Les innovations technologiques fondent le socle du blog et depuis quelques années, les thèmes autour des transformations, de la responsabilité, de la sobriété, s’imposent. Le blog évolue avec les enjeux généraux qui impactent le tourisme. Peut-être par effet d’évolution des priorités au regard des cibles, avec l’émergence du rôle des habitants et la moindre fréquentation des organismes de gestion des destinations (OGD) par les touristes étrangers, je constate un éloignement des préoccupations liées à la stratégie marketing. Le nombre d’articles publiés sur le sujet dans le blog est faible. Il occupe désormais un spectre allant de la stratégie marketing à la stratégie de communication, sans que la différence entre ces deux thèmes soit marquée. La position actuelle des OGD françaises sur le sujet du marketing me paraît insuffisamment investie. Ludovic Dublanchet s’interrogeait d’ailleurs dans un article publié le 21 février 2022 : « Le slogan, la signature, c’est passé de mode ? ». Il résumait ainsi son propos : « La plupart de nos sites se contentent d’une grande et belle image, parfois en mode diaporama, en vidéo, mais sans m’en dire beaucoup plus, sans afficher ce qui les différencie de leurs concurrents que je vais également visiter ».

UNE CONFUSION INTERNE

Positionnées entre les investisseurs publics que sont les collectivités et leurs publics touristiques (professionnels locaux, touristes finaux et habitants), les OGD ont des obligations réglementaires multiples, trop ambitieuses de mon point de vue, à conduire. Dans les critères de classement des offices de tourisme (axe 19), il est clairement indiqué que l’office de tourisme met en œuvre la stratégie touristique locale.

« L’office de tourisme élabore et met en œuvre une stratégie touristique précisant les missions de l’office de tourisme dans les domaines suivants :

  • politique d’accueil
  • commercialisation ;
  • animation du réseau des acteurs touristiques, accompagnement dans la transition numérique, assistance aux porteurs de projet ;
  • promotion de la destination et communication grand public ;
  • actions de sensibilisation des touristes et des acteurs touristiques en matière de protection de l’environnement et de développement durable ;
  • amélioration de l’offre touristique à travers le classement des hébergements et la diffusion des marques.

Cette stratégie touristique est validée par la collectivité« .
Et les axes précédents, 17 et 18, obligent l’office de tourisme à tenir à jour un tableau de bord de la fréquentation touristique, ainsi qu’à mettre en place un observatoire sur la satisfaction. Cette procédure de classement a été largement simplifiée puisqu’auparavant, 48 critères étaient retenus, contre 19 aujourd’hui.

LE MARKETING, MAILLON ABSENT


Nous notons que le mot marketing n’est pas utilisé et a fortiori, il n’est pas accolé à celui de stratégie touristique. Et c’est encore plus vrai dans le guide méthodologique de la DGE (15 pages, mai 2019), intitulé « Procédure relative au classement des offices de tourisme ». Un office de tourisme fait donc du marketing sans le savoir et sans le dire. Il manque une évidence, un maillon dans la chaîne de valeurs de l’OGD office de tourisme, à savoir le marketing. Si nous remettons dans l’ordre les processus conduisant à l’élaboration d’une stratégie marketing, nous pouvons osciller entre deux approches applicables dans l’univers du tourisme :

  • D’une part une approche classique, destinée à accroître la performance d’une entreprise commerciale : avec des objectifs divers, voire complémentaires comme le développement de parts de marché, soit par la conquête soit par la fidélisation, de l’élévation qualitative des prestations, de la satisfaction client, de l’augmentation des contributions et in fine des résultats, du retour sur investissement.
  • D’autre part, une approche territoriale, fondée sur l’engagement des différentes parties prenantes d’une destination (bras armés de la collectivité, élus et techniciens, partenaires privés du tourisme, des loisirs, de la culture, du sport, du commerce, du transport), sur leur mobilisation et le partage de visions autour d’objectifs communs et applicables à l’univers territorial.

Les séquences suivantes de diagnostic, de définition de choix stratégiques, de construction d’un plan d’actions, et d’évaluation de la démarche et des retombées sont similaires à ces deux entrées en matière, bien que des nuances soient apportées. Vincent Gollain a formalisé la mise en œuvre d’une démarche de marketing territorial en cinq séquences et 25 points clés, dont deux centraux portent sur la définition des choix stratégiques que l’on devrait exprimer dans le pilotage d’une destination :

  • Se donner une ambition en choisissant les objectifs stratégiques de moyen et long termes
  • Positionner le territoire et construire sa promesse client

Par expérience de terrain, je voudrais insister sur deux points qui me paraissent être souvent en souffrance dans l’élaboration de démarches marketing touristique pour des destinations :

  • D’abord, le temps long de la définition stratégique en considérant que les objectifs et l’appréhension peuvent évoluer entre le début d’un processus, alors que l’on ne dispose pas de tous les éléments requis, et le moment où les données peuvent être figées après le diagnostic. Des évolutions tout au long du processus me paraissent souhaitables, car elles permettent d’affiner l’ambition collective de l’OGD avec une meilleure prise en compte des points de vue des parties prenantes, à l’inverse d’une entreprise souvent en cheminement vertical, nous nous trouvons ici dans des approches horizontales et des segments de marchés sur lesquels on n’a pas beaucoup de prises car ils sont d’abord clients d’un transport puis d’un hébergement, avant de l’être de la destination.
  • Ensuite, la capacité à définir et préciser un positionnement de destination étayé par une promesse client, en se tenant le plus éloigné possible d’une stratégie de communication, celle-ci n’étant qu’un débouché applicatif de la stratégie marketing (quoi, pour qui, pourquoi).

LA COMMUNICATION EN PRIORITÉ


Or, la communication s’impose très rapidement, au détriment du travail de fond marketing. La tendance à communiquer rapidement, avant l’élaboration d’une stratégie marketing est inhérente aux organisations touristiques territoriales pilotées par des élus ayant en tête la force d’attraction des images du tourisme au profit du développement général de leur territoire (habitants, nouveaux habitants, investisseurs publics et privés, media…). Il est assez fréquent de constater que l’on escamote le travail marketing préalable pour passer directement en phase de communication. C’est plus rapide, plus motivant, plus visible, plus sympa et les effets, au moins pour communiquer en interne, sont plus rapides.
Le sujet est d’autant plus flagrant si on s’intéresse aux enquêtes clientèles : la connaissance qui nous est délivrée tient plus du quantitatif adressé aux BIT (l’observation de la fréquentation de l’office de tourisme et de la satisfaction des touristes) que du qualitatif sur les comportements et les besoins, soit des prospects à distance, soit des visiteurs sur place et encore moins sur des sujets thématiques pour explorer de nouvelles possibilités : services, produits, circuits, acceptation d’un tarif… Le recours aux observatoires locaux le révèle aisément.
Je ne sais la raison de ces positions raccourcies, mais je constate que dans d’autres pays, on accorde plus d’importance aux études de clientèles, aux tests produits et services, aux définitions de positionnements courageux et assumés. Pourtant des solutions existent en matière de connaissance des clientèles. À titre d’exemple, le modèle de gestion des destinations de Saint-Gall (SGDM), en Suisse, est intéressant à l’échelle locale.

Le SGDM synthétise les comportements spatiaux des touristes et des visiteurs pour mieux comprendre leurs profils et leurs activités. Cette compréhension du portefeuille d’une destination, par l’observation des flux de visiteurs facilite l’alignement des projets, des produits et des services sur les motifs des voyages et des séjours.


En pratique, selon le SGDM, la démarche suit une série de six étapes :
» Identifier les flux de visiteurs et définir, dessiner et décrire les flux de visiteurs stratégiques ; » Discuter de la géométrie variable en chevauchant les flux de visiteurs stratégiques individuels et en évaluant le portefeuille de flux de visiteurs stratégiques ;
»Analyser les réseaux d’offre et de demande et reconstituer les principaux leviers et mécanismes moteurs du réseau ;
» Décrire les processus de gestion et de marketing par flux de visiteurs stratégiques et allouer et répartir les tâches tout au long du processus ;  » Organiser les stratégies et les actions entre les organisations et les acteurs et affecter les ressources en fonction des compétences correspondantes ;
» Mettre à jour les flux, le processus de marketing et de gestion et l’utilisation des ressources en continu et modérer les processus d’apprentissage et de prise de décision au niveau de la destination.
Autre exemple : en relation avec l’un de nos partenaires espagnols, nous avons observé une solution digitale déployée à San Sebastian au Pays basque qui consiste à mesurer les flux instantanés des visiteurs dans le centre-ville. Cela permet d’imaginer les programmations événementielles, de déployer de nouveaux services, d’informer sur place pour inviter à des découvertes d’autres quartiers.

Un rapide tour d’horizon sur le site The Conversation, qui vulgarise de brèves publications d’universitaires, démontre dans sa version française que le couplage tourisme + enquête clients ne révèle pas de références d’articles. Le sujet des enquêtes des publics est peu présent dans l’élaboration des stratégies touristiques des OGD. Pourtant, il est difficile de proposer des stratégies marketing si l’on ne s’appuie pas sur des enquêtes clientèles visant à cerner les comportements, les besoins, l’expression des satisfactions. Difficile également de déterminer les segments de marchés à étudier. Ils peuvent être nombreux : habitants (des nuances à apporter selon leurs conditions de mobilités dans le territoire), touristes marchands, touristes propriétaires (et parmi ces touristes, les cibles liées à la composition socio-démographique), visiteurs événementiels, excursionnistes, entrepreneurs, artisans et commerçants, etc…

Certes, les sites d’avis donnent des éclairages pour des hébergements, des restaurants et des lieux de visite, mais ils ne forgent pas de typologies et d’analyses rigoureuses. Le champ de la connaissance des clientèles, aussi bien prospects que clients acquis, est insuffisamment travaillé dans les OGD, principalement au niveau des offices de tourisme. Les échelles supérieures peuvent recourir davantage à cette phase du travail marketing.

On assiste même à des collaborations entre OGD et plateformes digitales et cela m’étonne fortement. La donnée publique pourrait servir les intérêts locaux qui ne passent pas nécessairement par leur aspiration par des OTAs. Je vois dans ces vides une tendance à la paupérisation de la réflexion marketing en autonomie, au profit de l’envie de communiquer rapidement et massivement, au risque de devoir faire machine arrière pour contrer des phénomènes de surtourisme (rétropédalage de destinations sur des spots trop fréquentés avec mise au point de filtres pour réduire la capacité de charge). Une bonne stratégie marketing est un préalable indispensable pour éviter de tomber dans des actions de communication dont les résultats, démultipliés par la viralité digitale, peuvent échapper à leurs initiateurs.

DES POSITIONNEMENTS À ASSUMER


Le deuxième champ de l’interrogation marketing réside dans le travail stratégique du positionnement. Un joyeux mélange est à l’œuvre dans beaucoup d’OGD entre le positionnement marketing et le positionnement de communication. Le premier est le résultat d’un travail permettant d’engager la destination dans une voie de développement. Ce travail et le choix qui en résulte servent à flécher les investissements, à organiser les politiques touristiques en lien avec les autres grandes politiques, je pense notamment aux mobilités, mais aussi aux enjeux sportifs et culturels, à mettre en mouvement les partenaires privés dans une voie commune et différenciante des concurrents.
Le positionnement de communication est l’expression d’un soutien à la marque, qui porte du sens (une identité expression d’une volonté collective partagée), en donne aux visiteurs (une réponse adaptée aux évolutions de la société) et se traduit par une création de valeur (pourquoi choisir cette destination, comment l’apprécier, pourquoi la revendiquer et assumer son choix…). Ce processus du positionnement mérite de mon point de vue d’être réarmé pour mieux marquer les avantages concurrentiels, guider les investissements publics et privés dans une voie stratégique. La différenciation a toujours été synonyme de richesse et de diversité. La nature nous le prouve tous les jours.

Mais cette différenciation n’est pas qu’affichage. Elle est inscrite dans les gênes et dans les complémentarités entre espèces et espaces. Il me semble que la stratégie marketing doit de nouveau nourrir le travail des OGD pour porter des promesses et réalités qui touchent les publics les plus adaptés. Il est assez désarmant de constater d’une part les moyens affectés à l’ergonomie et à l’UX design en matière digitale, et d’autre part la faiblesse des moyens affectés au processus stratégique en matière de tourisme territorial. Pourtant, les deux participent de la même volonté : coller le plus possible aux besoins des utilisateurs pressentis.

De l’œnotourisme à l’œnogastronomie

Depuis les 15 ans du cabinet Emotio Tourisme, environ 10 % de nos missions ont porté sur l’œnotourisme. Certaines avec un poids particulièrement sensible : élaboration du Schéma régional de l’œnotourisme de Bourgogne-Franche-Comté, stratégie œnotourisme de la région Rhône-Alpes, étude de faisabilité, positionnement, programme du site Néovinum pour l’Uvica en Ardèche et aujourd’hui, programme complet pour le Château de Monbazillac.

En outre, conférences, écrits, accompagnements collectifs et formations, ont marqué notre attachement au sujet.

Il faut dire que nous venons de loin sur l’œnotourisme, avec une première expérience en 1999 pour l’Interprofession des Vins du Sud-Ouest et l’édition d’un Guide du Routard, mais c’est une autre histoire. Comme celle du grand oncle de François Perroy qui était maître de chai à Sauternes (livre Sauternes, A study of the great sweet wines of Bordeaux par Jeffrey Benson and Alastair Mackenzie). Ou les divers beaux livres que nous avons écrits avec l’éditeur Glénat pour Corton et Corton Charlemagne, ou encore Bouchard Père et Fils.

On ne se refait pas !

De l’atavisme au conseil

Nous avons récemment relu les pérégrinations de Kermit Lynch, caviste californien qui sillonne la France depuis des décennies à la recherche de vins d’excellente tenue. Son ouvrage Mes aventures sur les routes du vin peut-être considéré comme un voyage œnologique au plus près des terroirs et de quelques propriétés bien, qu’il ne soit en rien lié à l’œnotourisme. Ce caviste raconte avec humour ses visites, ses rencontres, échanges et dégustations dans des caves à l’ancienne, avec de fortes têtes engagées dans des recherches et facilitations des mystères des terroirs, de la vigne, de la météorologie, de la manière de conduire la vigne et d’élaborer les vins.

Les plus rebutants de nos vignerons ont sa faveur, leur engagement se révélant dans l’expression de leurs vins. Froidement il tient à distance certains vignobles et vignerons dont il n’apprécie pas le tapage. Il décrit des rencontres, parfois mutiques avec des vignerons taiseux, voire désagréables, mais dont les vins se révèlent être des prolongements exquis de leur existence. Quelles narrations et quels voyages dans cette France jonchée de domaines ! Kermit Lynch ne nous parle pas d’œnotourisme, pourtant il en est un excellent acteur, auteur et contributeur économique grâce aux volumineuses exportations de vins français qu’il a conduites aux Etats-Unis. Le relire alors que nombre de ses écrits datent des décennies 70, 80 et 90 (ouvrage publié en 2003) nous replace dans le monde viticole et vinicole d’avant les investissements œnotouristiques. C’est en cela que son texte est passionnant. Quelles évolutions depuis ! L’accueil des visiteurs et avec lui, les architectes, les marketeurs, les pros du tourisme sont désormais entrés dans les domaines. L’œnotourisme est devenue une réalité, un marché, comme l’ont été d’autres grands secteurs fondateurs du tourisme français. Il nous semble que la nouvelle orientation porte sur une contraction de l’œnotourisme avec la gastronomie, une forme d’œnogastronomie.

5 étapes

1 – L’accueil à la propriété en vue de déguster et d’acheter du vin n’est pas un élément touristique nouveau. Il accompagne l’urbanisation de la société française, l’essor de l’excursionnisme et du tourisme automobile. La création de la route des vins d’Alsace en 1953 signe ce développement qui servira de modèle à de nombreux vignobles français.

2 – Une deuxième étape naît dans les années 1990 et 2000 avec l’élaboration de chartes d’accueil dans les territoires touristiques dotés de vignobles. De Vignes en Caves en Bourgogne, la charte des vignerons des 17 appellations constitutives de l’Interprofession des Vins du Sud-Ouest et bien d’autres, maillent le territoire français. Mondes de la vigne, du vin et institutionnels du tourisme unissent leurs actions.

3 – A la même époque un visionnaire, Georges Duboeuf imagine le Hameau Duboeuf pour « révéler les coulisses d’une scène mal connue : celle de la vigne et du vin ». Des investissements privés s’organisent pour accueillir de manière professionnelle et marier gastronomie, tourisme et vins : le Relais & Châteaux Cordeillan-Bages, la rénovation du village des Bages sous l’initiative de Jean Michel Cazes en 2003. Ils ne sont pas les seuls, d’autres agissent également constatant une évidence jusque-là restée discrète : les terroirs, les vignes et les vins participent de l’art de vivre à la française. La culture du vin et le tourisme peuvent se marier.

4 – Dans les années 2000 l’envol est pris : partout en France on s’intéresse au sujet que l’on nomme communément œnotourisme. Des schémas de développement de l’œnotourisme, impulsés par des régions, des départements, en lien avec les offices de tourisme, les vignerons et négociants, des hébergeurs, des prestataires d’activités assemblent leurs forces pour créer des dynamiques territoriales en vue de faire connaître aux touristes en séjour les richesses des vins français. Le mouvement est pris, il ne s’arrêtera plus. Après ses missions littorales, ses plans montagne, la France valorise son incroyable et compliquée diversité en matière de vignes et de vins.

5 – Dans la décennie qui vient de s’achever, les efforts ont été poursuivis à grands renforts d’investissements : domaines privés, caves coopératives, tout le monde ou presque s’est engagé dans l’œnotourisme, le public ne peut plus ignorer qu’il existe des formes de tourisme et de loisirs autour du vin. Les collaborations territoriales se sont renforcées avec le déploiement du label Vignobles & Découvertes.

Depuis les écrits de Kermit Lynch, le monde français du vin a mué de manière considérable. Les exportations de vins et d’eaux de vie ont doublé en 15 ans. Et on estime que 10 000 caves touristiques sont fréquentées par plus de 10 millions de visiteurs par an.

Ancrage et hybridation

Deux éléments ont consolidé cette fantastique aventure :

– La compréhension et la traduction du fait que la vigne et le vin font bien plus qu’un ensemble de produits du terroir à vendre : si au début et encore pour beaucoup de vignerons, l’œnotourisme a été un moyen de diversification commerciale, il est apparu qu’il était bien plus que cela. Il fait appel à l’histoire, à la culture, aux traditions, à la passion, à la connaissance, à l’art de vivre. Il sert l’image et accompagne la modernisation de la filière ;

– La rencontre avec des pratiques conduites ailleurs : l’œnotourisme français a connu une forme d’hybridation avec l’adoption et l’adaptation de nouvelles manières de le concevoir, issues des conceptions américaines et qui ont essaimé dans le monde, avec pour premier port d’ancrage en Europe, la Rioja en Espagne. Des beaux navires architecturaux, mariant chais spectaculaires, points de vue, espaces d’accueil et de dégustation design sont apparus. Les investissements ont flambé et aujourd’hui surgissent régulièrement en France de nouveaux gestes architecturaux.

Une segmentation de l’offre

Le vin et sa puissance évocatrice se nourrissent d’architecture, de paysages modelés, d’équipements techniques, mais aussi de films, de littérature, d’expériences et surtout d’apprentissage de la dégustation et de mariage avec des cuisines variées. Le domaine R.Lopéz de Heredia en Rioja (Espagne), moderne lors de sa création à la fin du 19ème siècle, préfigurait déjà une conception d’ensemble.

Parfois ampoulés dans leurs configurations et design, les nouveaux lieux de l’œnotourisme sont le fait d’une alliance d’architectes, de scénographes, de marketeurs et de vignerons ou professionnels du vin convaincus de la même idée : la célébration.

Si le marketing a poussé l’œnotourisme américain vers le succès qu’on lui reconnaît (20 millions d’adeptes en Californie, principalement au Nord de San Francisco, pour une population d’environ 8 millions d’habitants dans la Baie de San Francisco), c’était pour faire connaître le vin à cette population américaine. En lui fournissant des éléments lui permettant de se construire une culture, elle pouvait noter les vins ET les prestations touristiques, faciliter le gain de titres dans les guides et les manifestations mondiales.

L’idée géniale des vignerons du Nouveau Monde a consisté à développer l’œnotourisme pour asseoir son image en comblant ce qui lui faisait défaut : le terroir ancien, le patrimoine, l’histoire et notamment la géographie des vignobles et des villages européens. Ce modèle déteint aujourd’hui sur nos rives de l’œnotourisme français, déjà riche de l’histoire des villages, des vignobles, de la culture et du patrimoine. Une synthèse s’opère et donne naissance à de nouveaux sites captivants.

D’un accueil discret, car seuls la terre, sa ville et son enfant, la vigne et le vin, savaient parler, l’œnotourisme français occupe maintenant un spectre plus large. Ces nouveaux sites d’accueil ont déplacé le curseur de l’œnotourisme.

On y trouve aujourd’hui :

– Des propriétés proposant des prestations simples d’accueil et de dégustation : l’offre œnotouristique dominante en France

– D’autres combinant des activités de découverte des mystères des terroirs, de la vigne et des vins, voire des activités de pleine nature (différentes formes de balades) : une attente claire des publics

– Des sites proposant des hébergements, formules de restauration et de bien être pour les plus aboutis

– Des sites proposant tous les services précédents et soutenus par des investissements puissants en matière d’art et d’architecture, les images sont somptueuses, le luxe est une signature : Château La Coste en Provence ou Les Sources de Caudalie en Bordelais par exemple

– Des musées et lieux de découverte, soit associés à un domaine, à une coopérative ou un négoce, soit portés par une collective ou des mécènes privés : la muséographie et la scénographie en point d’orgue

– Des cavistes, restaurants et hébergements marchands qui poussent à la rencontre avec des vignerons locaux : le hub, le maillage, l’Office de Tourisme déporté chez les professionnels du vin et de la restauration

– Des événements de plus ou moins grande importance : La Percée Jaune, Bordeaux Fête le Vin…

Et une affirmation durable se fait jour dans de nombreuses entreprises par conviction des acteurs. Elle participe également de la construction d’un nouvel œnotourisme fait du respect des sols, des entrants, des process, des clients et bien entendu de la planète.

A ce stade, il nous semble que l’ancrage de l’œnotourisme ne peut se revendiquer que s’il porte en lui une relation directe avec un éleveur de vigne un faiseur de vin engagés. Point d’engagement humainement attachant sans cette relation directe avec l’art et avec le respect du temps long et de la précaution de notre environnement.

Pourquoi ?

– Parce que le terroir doit dominer le marketing,

– Parce que la visite dans une propriété ou une cave n’est réussie que si la rencontre avec l’autorité a lieu dans un cadre enthousiasmant mais respectueux de la terre et de son usage,

– Enfin, parce que la parole divine est attendue pour célébrer le vin et la valeur qu’on lui accorde, préalable à la dégustation,

Mais plus encore, nous croyons désormais que l’œnotourisme doit davantage se marier à la gastronomie dans les pays de vignes. Il s’agit de se projeter dans un œnotourisme immersif, une sorte d’œnogastronomie à même de célébrer les vins et les produits du terroir, les savoir-faire d’élaboration au service des palais.

Cette œnogastronomie sera probablement la prochaine étape de l’œnotourisme français. C’est l’une de nos convictions qui rejoint nos motivations lorsque nous travaillons sur le terrain à l’essor de projets œnotouristiques avec nos partenaires pour livrer des sites et des moments qui servent les terroirs et ravissent les publics.

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