Placé au cœur des évolutions de notre société, à la rencontre entre vies privées et vies publiques, au cœur des échanges économiques, l’hôtel est le symbole du mouvement et de l’adaptation au monde. En quelques années, l’hôtel a épousé les évolutions rapides de la société pour se réinventer. Premier hébergement a avoir été impacté par l’essor de l’hébergement chez les particuliers, il se réinvente par hybridation. Le camping est-il soumis aux mêmes contraintes et doit-il lui aussi se réinventer ?
Les campings n’ont jamais cessé de se réinventer. De l’espace ouvert en pleine nature au club de vacances aux services multiples intégrés et toujours plus nombreux, il est un exemple d’adaptation. Mais aujourd’hui, on peut constater que la dynamique hôtelière est particulièrement forte. Sans vouloir établir une transposition entre les deux principaux modes d’hébergements marchands, nous formulons ici une hypothèse d’évolution des campings en regardant celle qui est à l’œuvre dans l’hôtellerie.
Des hôtels déclinants…
…Aux jeunes pousses urbaines insérées dans les villes intelligentes. Mais quel contraste entre un hôtel de sous préfecture qui tient vaille que vaille avec ses 27 strates de rénovation visibles de la salle de restaurant aux chambres et les nouveaux hôtels urbains comme Joe and Joe, Meininger, Yotel ou Moxy Hôtels. D’une part le charme suranné de l’établissement familial pour voyageurs de commerce heureux de passer à table après avoir serré de nombreuses louches dans la journée. D’autre part, la smart city avec ses services numériques permanents, ses couleurs vives, son insonorisation garantie, ses espaces de coworking et de grignotage et de dégustation de vins.
Styles, clientèles et revenus sont différents. En 2016, les enseignes hôtelières à bas coûts ou de milieu de gamme ont vu leurs taux de remplissage baisser, à l’inverse du haut de gamme. Le confort change, les fonctions et les usages aussi. Comment lutter contre la migration des publics aisés vers l’hébergement chez les particuliers ? Les grands groupes hôteliers n’ont pas tardé à apporter des réponses concrètes.
Accorhôtels a inventé le concept de communauté de vie. De nouveaux services sont proposés aux clients, mais aussi aux habitants du quartier. La volatilité de la société connectée (des temps de réaction hyper rapides et des changements de comportements qui le sont tout autant) dirige cette évolution.
La chambre d’hôtel peut être louée à l’heure à la journée (application Dayuse) pour des sessions de travail, de sieste ou d’agrément personnel. L’application As You Stay offre le même service et permet aux hôteliers de remplir leur hôtel en proposant de nouveaux temps d’occupation.
Le futur semble prendre la forme d’expériences hôtelières via des chambres connectées et interactives. Du lieu secret, quasi refuge nocturne, au miroir de soi et d’interactions sociales. Divertissement via les technologies de réalité virtuelle, personnalisation garantie, ludification, mais aussi temple des objets connectés maximisant le confort des utilisateurs, voilà ce vers quoi se dirige le positionnement de la chambre d’hôtel de demain. La révolution du sommeil grâce aux apports de la médecine et des nouvelles technologies est très clairement investie par les groupes hôteliers. Pouvoir choisir sa chambre, son type de lit, sa literie, couleurs et matériaux compris, les équipements vidéo et audio, un équipement sportif intégré, les produits de soin… voilà bien des requêtes à satisfaire. The Student Hotel à Amsterdam est bien dans cette veine.
Des campings terroir…
…Aux clubs de vacances directement inspirés des plus grands resorts, l’hôtellerie de plein air n’a pas chômé au cours des 30 dernières années. Au point d’être reconnue comme une profession organisée, sérieuse, investie et porteuse de satisfaction pour le tourisme français. Principalement situés en zones de séjours touristiques et non d’étape ou de séjours urbains, les campings occupent des réserves foncières significatives qui les placent en dehors des villes. Or l’évolution du monde tend vers une métropolisation accrue et la campagne arrive dans la ville : jardins potagers, optimisation des flux, concept de ville intelligente (smart city)… Quelles places investir pour des campings en quête de réinvention ?
Le camping nature :
- son positionnement ne va pas changer, alliant hébergements à prix compétitifs, frugalité et spontanéité dans les services proposés et dans leur accomplissement
- mais sa connexion à une nature mieux considérée, moins domestiquée, productrice d’aliments sains consommés sur place et objets d’attentions partagées de la part des professionnels et des campeurs, paraît attendue
- son public nous paraît être cette immense société européenne qui dispose de ressources limitées, notamment des jeunes et qui peine à trouver des espaces de réconfort en plein air
Le camping d’étape :
- ce concept n’existe quasi pas en France tant la profession s’est positionné sur le camping de séjours de vacances
- et pourtant, des camping-caristes européens en attente de campings ouverts toute l’année car bien plus sympas, confortables et sûrs que les aires urbaines pour camping-cars, aux voyageurs en auto, en moto, en vélo ou à pied et en recherche d’hébergements à la nuit, le marché des itinérants est immense dans toute l’Europe
- les preuves existent dès que l’on sort de France, que ce soit pour occuper un emplacement ou louer une cabane à la nuit : ce marché a été abandonné à l’hôtellerie à bas prix
Le camping club de vacances :
- plus ou moins équipé, plus ou moins animé, c’est le modèle dominant en France, avec une hyper abondance de l’offre qui oblige depuis 3 ou 4 ans à des ristournes tarifaires en plein cœur de l’été
- c’est lui qui a fait le succès indiscutable de l’HPA française
- mais l’évolution des pratiques des consommateurs (plus de départs toute l’année au détriment d’un été surchargé sur les routes, un recours accru à l’hébergement chez les particuliers, une moindre étanchéité entre vies privée et professionnelle, grignotage ou consommation culinaire allégée en graisses…) incite à penser qu’il faut réinventer une partie de l’offre
- le local et le faire s’imposent aujourd’hui dans les attentes de la société européenne et dans le même temps, l’évolution du marché du travail qui tend vers l’indépendance des emplois du temps et des métiers, ne prêche plus en faveur de cette industrie des vacances reposant sur la reproduction d’un profil largement répandu de consommateur (papa, maman, 2 enfants)
Cette évolution de l’offre pourrait prendre le contre-pied de l’alignement au cordeau de résidences mobiles et de vastes équipements collectifs uniques (la piscine et son toboggan) pour proposer :
- des mini-quartiers équipés de leur espace communautaire local
- comprenant un bar et un coin de restauration en indépendance, un espace pour les loisirs créatifs, des ateliers pour faire en s’amusant, de la connexion maximale…
- une production locale de fruits et légumes à disposition des clients…
- des hébergements à louer à la nuit de 1 à 4 (l’hôtellerie réinvente la notion d’auberge de jeunesse, comme Yooma par exemple, l’HPA pourrait tout aussi bien le faire)
Le camping de vacances et d’étape, organisé en mode vie locale, proposant de nouvelles occasions de convivialité, voilà une évolution possible.