Oenotourisme à Lanzarote

Mariage réussi de l’innovation viticole et du tourisme

La viticulture à Lanzarote est un exemple de développement durable et d’adaptation à un environnement naturel unique qu’il convient d’observer. Et ça tombe bien car l’île développe un tourisme particulier autour de ses côtes magnifiques, de ses volcans, de la randonnée et de sa célébrité artistique inspirée, César Manrique. Depuis sa création, Emotio Tourisme suit et accompagne le développement de l’œnotourisme en France et ailleurs.  Suivez-nous à la découverte d’un œnotourisme à la fois vulgarisateur et scientifique.

L’île de Lanzarote a une superficie d’environ 845 km2 et est recouverte aux trois quarts avec de la lave produite par plus de trois cents cratères issus d’une centaine de volcans. Située à 140 km de l’Afrique, Lanzarote bénéficie d’un climat stable, avec une température moyenne de 23°C. Car à Lanzarote, s’il ne pleut pas souvent, 13 jours par an, il vente toujours. Les vignobles cultivés dans les sols volcaniques de l’île offrent des paysages saisissants que l’on qualifie facilement de lunaires. En 1964, cet environnement exceptionnel a été reconnu comme une œuvre d’art lors de l’exposition photographique « L’architecture sans architectes » au MoMa de New York.

Des vignes au ras du sol

Les principales zones viticoles de l’île se trouvent dans les régions de La Geria, Masdache et Tinajo, qui englobent les communes de Yaiza, Tías, San Bartolomé et Tinajo. Ce sont là que se déploie le contraste brutal entre les sols volcaniques noirs de Lanzarote et le vert vif des vignes. La singularité du vignoble de l’île réside dans ces murs en pierre volcanique érigés autour des pieds de vigne, qui protègent les plants des vents persistants. Le sol volcanique offre une protection thermique efficace, conservant les minéraux, véritables nutriments et l’humidité apportée par les nuages, essentiels à la culture de la vigne.

L’histoire viticole de Lanzarote remonte au XVIIIème siècle, avec la fondation de la Bodega El Grifo. Les débuts de la viticulture ont été difficiles en raison des éruptions volcaniques qui ont ravagé les cultures. Les dernières éruptions majeures ont eu lieu durant six ans, du 1er septembre 1730 au 16 avril 1736 et ont recouvert environ 167 km2 de Lanzarote, soit environ 20% de l’île. Depuis, une vingtaine de domaines ont ouvert et sont inscrits à la DOP de Vinos, l’organisme en charge du contrôle de l’origine : La Geria, Vega de Yuco, Tisalaya, La Mareta, Titerok. Aujourd’hui, les vignobles couvrent près de 3000 hectares, principalement dans les vallées de La Geria et de Masdache et les vins de l’île bénéficient d’une appellation d’origine depuis 1993.

Des isolats de concentration

Les vignes poussent dans des trous appelés « hoyos », entourés de petits murs circulaires de pierres sèches appelés « socos », qui les protègent du vent. Ces trous peuvent atteindre 3 mètres de profondeur et 10 mètres de diamètre, en fonction de l’épaisseur du « picón », le sol de gravier qui retient l’humidité apportée par les alizés : plus la couche fertile est importante, plus les trous sont profonds et larges. Dans les secteurs où le picón est moins épais, dans la région de Masdache, les trous sont moins profonds et les plantations se font en tranchées. Les murs sont rectilignes, ce qui permet la mécanisation de l’exploitation. Les travaux viticoles sont manuels en raison de ce système de plantation qui inclut également l’irrigation. Les vendanges, souvent dès juillet, sont parmi les premières d’Europe. Mais depuis peu, en raison du changement climatique on teste des vendanges en mars.

Un bel exemple de hoyo

Un récent article du Monde rapporte que sur le site de la Playa Quemada « 1 800 plants de raisns sont récoltés en mars. Outre la Playa Quemada, quatre parcelles réparties dans plusieurs vignobles sont concernées par l’expérience, qui a débuté en 2022 et qui se poursuit en 2024. L’échantillon est modeste rapporté aux terres viticoles de Lanzarote ». Le domaine el Grifo, créé en 1775 est à la manœuvre, avec l’appui d’une partie des petits producteurs.La solution consiste à tailler tôt, juste après les mois d’été, pour que la vigne reparte plus vite, de faire surgir et mûrir le raisin dès les mois d’automne et d’hiver. Un autre avantage surgit : la vigne fleurit et donne du raisin durant les périodes les plus humides, les plus fraîches aussi, limitant l’ajout d’eau et de produits phytosanitaires.

Un magnifique soco

Un cep, une bouteille

Dans l’ensemble de l’île, la densité de plantation moyenne est de 400 et 600 pieds par hectare et les rendements oscillent entre 1 000 et 1 500 kg/ha (soit entre 6 et 10 hl/ha, ce qui équivaut à une bouteille de 0,75 litre par cep). Soit une production d’environ 2 millions de litres dans l’île.

On trouve des vignes bicentenaires sur l’île, qui a été épargnée par le phylloxéra au XIXème siècle. Le greffage n’y est donc pas nécessaire. On cultive ici des cépages qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Par exemple, le Listán Negro, présent sur d’autres îles de Canaries et qui permet d’élaborer des vins rouges aux arômes de fruits rouges et de figue sèche. Mais le blanc domine car le cépage le plus planté est la Malvasía Volcánica, un cépage autochtone à Lanzarote, possiblement issu d’un croisement entre une variété de Malvoisie et le Marmajuelo (un autre cépage autochtone des Canaries) ou originaire de Madère. La Malvasía Volcánica est résistante à la sécheresse, aux fortes températures et au vent. Elle donne de faibles rendements, des raisins à l’acidité élevée, aux arômes floraux et fruités. Elle permet d’élaborer tous les styles de vin blanc : mousseux, sec, demi-sec et liquoreux, avec des vendanges très tardives comparées aux premiers raisins récoltés.

Des vins blancs minéraux et fruités

C’est tout cela que peuvent découvrir les touristes présents sur l’île, soit environ 3 millions par, dont beaucoup séjournent dans les zones balnéaires du Sud-Est.  L’eau si manquante provient d’usine de désalinisation de l’eau de mer. Les autorités veulent augmenter la capacité de l’aéroport, pourtant déjà bien important. Ici la randonnée volcanique est captivante, comme le sont les domaines viticoles, aux équipes ingénieuses pour s’adapter encore et toujours aux risques volcaniques et climatiques. Les accueils dans les domaines sont gratuits pour une visite impromptue mais simple et payante, le plus souvent aux environs de 15 euros par adulte pour une visite et dégustation en groupe, en espagnol et en anglais. Yuco, à la belle bouteille bleu se caractérise par une expérience de 90 minutes vendues 22 euros. L’œnotourisme ici est bien engagé, il apporte une touche adaptative au monde de bon aloi.

Il reste à concevoir un œnotourisme à la médiation plus armée sur cette capacité d’adaptation aux contraintes par l’innovation.

Le temps long crée du bonheur

Nous vivons sous le règne d’une chronométrie qui crée de l’urgence, pour tout y compris pour le superflu. Nous sommes atteints « d’accélérite » selon Christophe André, psychiatre et auteur. La vitesse est programmée comme l’une des composantes essentielle du travail : la rentabilité est liée à l’exécution rapide de tâches. Certains métiers y échappent, mais ils sont rares : métiers d’art, métiers en lien avec la nature… Smartphone, ordinateur, assistant vocal domestique : toutes les technologies numériques visent, au-delà des services réels qu’elles nous fournissent, à satisfaire nos fantasmes de démultiplication. Ici et ailleurs, connectés en continu, amis avec la masse, rien de tout cela n’est dans la vraie vie. Et certainement pas le temps des vacances qui n’a pas besoin de nous expulser d’un toasteur pour que nous soyons heureux.

Cette immédiateté crée une tension permanente en forte accélération avec l’apparition et l’attente de nouvelles solutions technologiques. Sécrétées de plus en plus souvent, les hormones du stress, comme le cortisol, l’adrénaline, la catécholamine nous donnent l’impression d’être submergés. Le bruit est désormais permanent dans nos métropoles : dans nos appartements et maisons, dans les rues, au travail, des fêtards du soir aux éboueurs du petit matin, la nuit devient de plus en plus courte.

Selon le sociologue Jean Viard « nous sommes entrés dans une civilisation du temps long et du travail court ». Nous vivons en moyenne 700 000 heures, soit 200 000 de plus qu’il y a un siècle. Un paysan travaillait alors 200 000 heures. Aujourd’hui nous travaillons 70 000 heures et nous étudions 30 000 heures. Avec un sommeil qui nous prend 200 000 heures, il nous reste donc un temps important de 400 000 heures à occuper. Nous l’investissons plus ou moins bien selon nos contraintes. Et elles peuvent être nombreuses : temps de route pour se rendre au travail (50 km en moyenne par jour et par salarié en France), contraintes éducatives des enfants, santé, temps consacré aux achats, au ménage, aux démarches administratives. Cependant, en moyenne, il nous reste du temps pour nos loisirs et là, les différences sont majeures selon l’éducation, le pouvoir d’achat, notre position sociale.

Le juste temps plutôt que le juste à temps

 

Aussi nous n’acceptons plus de perdre du temps : nous avons gagné en autonomie au fil des décennies et alors que nous avons gagné 20 ans de vie en France depuis 1900, mais nous sommes repris en main par les messages continus de nos outils numériques qui créent un sentiment permanent d’urgence. « Ce n’est point le temps qui manque, c’est nous qui lui manquons » disait Paul Claude, dramaturge, poète et diplomate. Il est vrai que la richesse inépuisable du monde nous indique qu’une vie entière ne saurait suffire à l’explorer. A la spécialisation d’un art, nous préférons de plus en plus les micro- séquences exploratoires et la frustration qui va avec le fait de ne pouvoir tout faire, tout vivre.

En réponse, des solutions apparaissent comme le slow tourisme. Né en Italie dans les années 1980 en réaction au projet d’installation d’un fast food place d’Espagne à Rome, le mouvement slow se décline dans diverses sphères de notre vie : l’alimentation, la production artistique, les déplacements de proximité qui deviennent doux, la sexualité dont la lenteur est un art sensuel, les loisirs. Le ralentissement offre un épanouissement, une belle expérience du fait d’être, d’agir et de maîtriser son temps.

Rêver, bailler, nous détendre, deviennent des temps rares au quotidien or notre corps en a besoin. Ralentir c’est ressentir : le calme, c’est ici et maintenant pour apprendre à ne pas réagir, mais à agir. Les médecins considèrent que deux semaines de vacances sont nécessaires pour retrouver une forme de lenteur et réveiller nos hormones du plaisir.

Gardez présent à l’esprit et communiquez-le largement que le vrai luxe aujourd’hui, c’est le temps pour soi, pas l’espace, pas la valeur pécuniaire des biens. Le moment a une vraie valeur et c’est lui que vous devez vendre. L’étude annuelle Google Travel révèle de plus en plus l’importance des micro-moments.

Et s’il faut retenir une idée forte du temps long et du plein air associé, elle nous vient de l’écrivain Robert Louis Stevenson, l’auteur de l’Ile au trésor : « le dehors guérit ».

C’est aussi dans cet esprit que nous avons produit des contenus orientés sur le sujet au cours des derniers mois :

  • le Manifeste des ET14 est une contribution collective en partie axée sur le sujet
  • le Passeport du Voyageur Citoyen du Monde, également contribution collective et que nous avons exposé lors d’un colloque Aida-Irest en décembre 2018 à Paris, y contribue, on peut relire mon article sur etourisme.info
  • De même que nos récents articles sur le blog etourisme.info et celui-ci consacré à l’éthique et au numérique