Réveiller le tourisme français ? Une nécessite absolue

La France est passée d’une position de leader à celle de challenger. Ce ne sont pas les 85 millions de touristes étrangers accueillis chaque année qui nous placent en situation favorable pour affronter la concurrence. C’est une grande partie de notre offre, de nos conditions de transport et de nos moyens de promotion qui ne sont plus à la hauteur des engagements des concurrents. Plaidoyer pour une mobilisation féroce, heureusement engagée par les professionnels du tourisme qui ont uni leurs voix avant le premier tour de la présidentielle.

Les professionnels du tourisme ont affirmé leur volonté de travailler et de communiquer ensemble. Diverses organisations professionnelles (CAF, EDV, FNHPA, GNC, SETO, SNRT, UMIH) se sont réunies pour plancher sur la réforme de la restructuration des branches professionnelles prévue pour 2019 et construire les fondations de la prochaine Confédération du Tourisme. Leur priorité est de « faire du tourisme une affaire d’Etat afin de gagner un point de PIB d’ici 5 ans ».

C’est indiscutable, de nombreuses actions ont été conduites au cours des dernières années en vue de faciliter le développement touristique : des programmes de formation pour les pros comme High Hospitality, le Mooc Accueil France, 20 contrats de destinations renforçant autant de marques françaises à l’international, l’ouverture des commerces dans les zones touristiques le dimanche, la simplification de l’accès aux visas, notamment pour la Chine, l’Inde, l’AFS…

Mais clairement les moyens de promotion touristique sont insuffisants en France. Tout récemment, le gouvernement du Québec a décidé d’accorder…286 millions de dollars à l’industrie touristique pour soutenir ses investissements, notamment à l’ouverture de lignes avec la Chine ou en développement culturel. Montréal a accueilli 10 millions de visiteurs étrangers l’an dernier dont la première motivation est culturelle. Pour rappel, le budget d’Atout France était de 66 millions d’euros en 2015. Bien évidemment d’autres lignes budgétaires soutiennent le tourisme français. L’investissement dans l’hébergement touristique est soutenu par diverses actions (France Développement Tourisme, fonds piloté par la Caisse des Dépôts ; Fonds Tourisme Social Investissements ; possibilité offerte aux OPCI d’investir dans le tourisme).

Pourtant le tourisme est stratégique pour la France avec une production estimée à 7% du PIB et l’emploi de 2 millions de personnes. Mais notre rente touristique s’épuise et peine à se renouveler. Entre 2010 et 2015, le tourisme a connu une croissance de 8% par an au niveau mondial, mais la France a perdu un point de parts de marché. Ce qui se traduit par 10 milliards d’euros qu’elle n’a pas captés en termes de recettes touristiques. La France est au 4ème rang mondial derrière les Etats Unis, l’Espagne et la Chine en termes de revenus.

La performance comparée des tourismes français et espagnols n’est pas à l’avantage de notre pays. Selon le World Economic Forum, l’Espagne occupe la première place en compétitivité touristique avec 68,5 millions d’arrivées internationales et des recettes moyennes par arrivées de 824 $. La France arrive en 2ème position avec des carences importantes en compétitivité puisque elle n’est qu’au 118ème rang sur 136 ! Quant aux recettes par tête, elles ne sont qu’à 543 $ par visiteur, soit 280 dollars de moins par tête que l’Espagne !

Pourtant l’enjeu est énorme car d’ici à 2020, une grande partie des voyageurs seront des millenials, ces clients âgés de 18 à 35 ans, nés sous l’ère du numérique. Ils sont dans des pratiques d’instantanéité, d’émotion et de personnalisation de leurs expériences touristiques. Et disposent de temps et d’argent pour voyager et s’étonner du monde qu’il découvre.

Des freins structurels

Dans les différences majeures on constate notamment que si le trafic aérien mondial se développe à hauteur de 6% par an, le nombre de lignes internationales a décru en France entre 2008 et 2014 à l’inverse des Etats Unis et de l’Espagne. Or la desserte touristique a besoin de moyens de connexions importants avec le monde.

Une étude de l’Alliance 46.2 démontre qu’en prolongeant la dynamique actuelle d’évolution du parc d’hébergements touristiques français, à 20,2 millions de lits en 2015, celui-ci croîtrait de 1,1 million de lits en 2020. Or, pour accueillir les 100 millions de touristes étrangers en 2020, objectif du précédent gouvernement, le parc devrait augmenter de 1,5 à 2,7 millions de lits. Soit une carence constatée de 0,4 à 1,2 million de lits. Ce déficit, ajouté au repli de l’offre d’emplacements en hôtellerie de plein air, ne sera probablement pas comblé par le recours à l’hébergement chez l’habitant. Le cas du camping en France est troublant : fer de lance de l’accueil avec 112 millions de nuitées par an dont un tiers est le fait de touristes étrangers, le secteur a perdu 1000 campings en 10 ans en raison notamment de l’accumulation de contraintes administratives.

En termes de recettes touristiques, la France est clairement distancée par les Etats Unis, la Chine et l’Espagne. Pays qui ne vont pas tarder à la dépasser sur le nombre de touristes internationaux accueillis. Cela est d’autant plus ennuyeux que le marché touristique mondial est prospère. Notre pays perd des parts de marché.

Si en moyenne, un touriste international en France ne génère que 543$ contre 824$ en Espagne, cet écart peut s’expliquer par la place de la France en Europe de l’Ouest. De nombreux visiteurs ne font que transiter par la France alors que les séjours sont plus longs en Espagne. On pourra se rassurer en se disant que notre pays est encore devant l’Italie, dont les richesses touristiques sont également immenses.

Et dans le même temps la France se caractérise par une très mauvaise perception en termes de rapport qualité-prix auprès des clientèles touristiques. Selon une étude de la DGE, la France se positionne en dessous des destinations européennes sur l’ensemble des postes de dépenses sauf pour les musées et sites touristiques, avec des décrochages importants sur l’hébergement et la restauration.

L’Institut Montaigne, qui a publié un rapport dédié au sujet en mars 2017 (Tourisme en France) formule des propositions.

A l’intention des pouvoirs publics, il recommande :

  • une refonte du système statistique de mesure du tourisme pour le mettre en conformité avec les nouveaux usages numériques et le rendre disponible pour les acteurs du tourisme
  • une simplification et un questionnement réel sur l’utilité de toute réglementation future, en l’évaluant à l’aune de la valeur ajoutée touristique

A l’intention des professionnels, il recommande :

  • d’aligner les stratégies marketing des entreprises touristiques avec la stratégie de promotion nationale définie par Atout France
  • de créer des synergies fortes entre le secteur du tourisme et le dynamisme du secteur numérique en France

L’heure des investissements majeurs et de la prise en compte au plus haut niveau de l’importance de l’économie touristique a sonné. Il faut espérer que la sonnerie du réveil sera bien entendue par toutes et tous.

François Perroy

François Perroy dirige Emotio Tourisme SAS depuis sa création en 2007. Il est aussi Directeur Général d'Agitateurs de Destinations Numériques. Cofondateur et contributeur du blog etourisme.info, il est également auteur et directeur scientifique d'ouvrages chez Territorial.

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